Colloque - Orare aut laborare ? Fêtes de précepte et jours chômés du moyen âge au début du XXe siècle

Selon Alphonse Dupront, le temps et l’espace sont les deux catégories essentielles pour aborder les questions religieuses. Si nous avons désormais de nombreuses réflexions sur la géographie sacrée, voire le paysage sacré, le rapport au temps est peu étudié malgré quelques travaux récents.

 

Dès les premiers siècles, les chrétiens instaurèrent des fêtes en l’honneur du Christ, de la Vierge, des apôtres ou encore des saints. De nombreux conciles généraux ou provinciaux mirent en avant certaines d’entre elles, les imposèrent aux fidèles. Rapidement, leur nombre s’accrut. À côté des fêtes majeures célébrées par toute la chrétienté, des spécificités se firent jour qui privilégièrent notamment des saints régionaux. Les évêques jouèrent un rôle essentiel en imposant des calendriers à l’échelle de leur diocèse. Les fêtes d’obligation, le temps sacré, rythmaient ainsi la vie des fidèles sous l’Ancien Régime. Au nombre d’une trentaine ou d’une quarantaine par an dans la plupart des diocèses, elles ne constituaient pas seulement une réalité religieuse, mais aussi sociale, économique et humaine.

 

La terminologie et la typologie suscitent d’abord la réflexion. Fêtes de précepte, fêtes d’obligation, fêtes chômées, fêtes majeures, fêtes mineures, demi-fêtes, fêtes à garder, fêtes à dévotion etc. peuvent désigner des pratiques identiques, mais aussi des usages fort variables : obligation d’entendre la messe, interdiction de travailler la journée ou une partie de celle-ci, jeûne, etc.

 

L’évolution de ces fêtes constitue une autre réalité fondamentale. Quand les calendriers diocésains ont-ils été établis et se sont-ils stabilisés ? Peut-on remarquer l’ajout de nouvelles fêtes au fil du temps ? Mais aussi – et surtout – se pose la question des réductions de ces fêtes. A quelle époque intervinrent-elles ? Certaines régions figurent-elles à l’avant-garde ou d’autres demeurèrent-elles plus attachées aux traditions ?

 

Ceci amène à s’interroger à propos des raisons de ces réductions. Les critiques furent nombreuses et reposent sur des arguments variés : entrave au travail, perte de revenus pour l’Etat, désordre, immoralité qu’entraînent les jours chômés, etc. Il faut examiner également l’origine des critiques et des réformes menées dès le moyen âge, mais surtout à l’époque moderne et singulièrement au XVIIIe siècle : fidèles, philosophes, économistes, autorités civiles, autorités ecclésiastiques ? Souvent la réponse est complexe et résulte d’une conjonction de motivations et d’intervenants. En lien, se fait jour la question de la portée des mesures prises (diocèses, états, catholicité ?) et du poids des frontières ecclésiastiques, mais aussi politiques.

 

La période révolutionnaire va balayer ce calendrier et instaurer de nouveaux repères festifs. Le début du XIXe siècle va marquer à la fois un renouveau et un tournant radical pour ces fêtes. Calendriers ecclésiastique et civil sont maintenant bien séparés. Mais ce dernier intégrera nombre d’anciennes fêtes religieuses, sans – il va sans dire – que plus aucune obligation cultuelle ni sens sacré n’y soient associés. Mais que choisit-on de conserver et, à l’inverse, d’éliminer, dans une perspective cette fois de «jours de congé ». Quels furent les arbitrages ? Se pose également la question de l’évolution de ces fêtes et de leur perception au regard du contexte de 1905 et des lois françaises de séparation entre l’Église et l’État.

 

Acteurs multiples, mais aussi ressentis multiples, tant au regard des fêtes et des obligations qu’elles sous-tendent que des réformes. On pense en premier lieu aux fidèles et plus largement aux individus. Quelles furent ensuite les attitudes du clergé paroissial, des autorités ecclésiastiques, mais aussi du Saint-Siège ? Les milieux jansénistes adoptèrent-ils des positions spécifiques ? On rejoint ainsi la question du respect et du contrôle des obligations liées à ces fêtes religieuses, qui traduit un état d’esprit révélateur des conceptions par rapport aux devoirs du chrétien et à la dévotion, mais également par rapport aux règles sociétales.

 

Qu’il s’agisse des origines, de la situation médiévale et du début des temps modernes, de l’époque phare de la réduction des fêtes au XVIIIe siècle ou encore de leur destin jusqu’aux premières années du XXe siècle, les fêtes seront abordées en tant que réalité pour les fidèles. Cela inclut, bien entendu, les influences exercées par les autorités civiles et le clergé séculier, mais aussi régulier dans la mesure où celui-ci intervint dans les pratiques du « peuple de Dieu ».

 

En s’ouvrant largement à l’espace catholique européen, ce colloque vise à mettre en évidence les différences régionales et à insister sur les grandes pulsations qui caractérisent près de quinze siècles d’histoire religieuse.

 

Ce colloque se déroulera en deux temps : le 29 mai 2015 à l’Université Saint-Louis - Bruxelles (salle du conseil) et le 16 octobre 2015 à l’Université Lumières Lyon 2


Programme

15 octobre (à partir de 14h30)

Session : Contrôler les fêtes

 

Introduction - Philippe Desmette / Philippe Martin


 

Christine Barralis (Université de Lorraine, Metz) - Les normes diocésaines et provinciales relatives aux fêtes de précepte dans la France septentrionale au XVe siècle


Nicolas Simon (Université Saint-Louis Bruxelles/FRS-FNRS) - Légiférer autour du temps libre dans les Pays-Bas espagnols au XVIe siècle 

 

Marco Rochini (Università degli studi di Milano) - Le débat sur la réduction des fêtes religieuses en Italie au XVIIIe siècle et le cas Guadagnini


 

16 octobre (à partir de 9h)

Session : Vivre la fête

 

Nicolas Guyard (Uiniversité Lyon 2 / LabEx COMOD) - Le temps des fêtes à Lyon au XVIIIe siècle, la création d’un temps religieux

 

Vincent Petit (Université de Besançon) - Calendrier légal contre temps religieux. Célébrer la messe Pour le Peuple de Benoît XIV à Pie IX

 

Alain Cabantous (Paris 1) - Fêter Noël à l’époque moderne. Entre communautés et familles

 

Pierre-Olivier De Broux et Florence Maertens de Noordhout (Université Saint-Louis – Bruxelles) - Repos dominical et jours fériés en Belgique au XIXe siècle. La transformation des obligations religieuses en revendication sociale

 

Lionel Obadia (université Lyon 2) - Obligations, calendriers liturgiques et festivités : regards anthropologiques sur les religions non-occidentales

 

 

16 octobre (à partir de 14h)

Session : Le monde non catholique

 

Yves Krumenacker (Université Lyon 3) - Les fêtes dans le monde réformé

 

Christophe Duhamelle (Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales, Paris) - Le concile de Nicée dans les controverses entre catholiques et protestants allemands sur la date de Pâques (1583-1776)"

 

Nicolas Champ (Université Bordeaux Montaigne) - Une "fête des morts dans l’Église réformée" ? Combats et débats dans le protestantisme français à l’aube du XXe siècle


  

CONCLUSIONS - Silvia Mostaccio (Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve)

Informations pratiques

29 mai 2015 - Bruxelles

Université Saint-Louis - Bruxelles

salle du conseil (4e étage)

43 Bd du Jardin Botanique

1000 Bruxelles (Belgique)

 

16 octobre 2015 - Lyon

Université Lyon 2 Lumière

Campus Berges du Rhône

Salle G

7 rue Chevreul - Lyon 7e

 

 

Comité organisateur

Philippe Desmette (Université Saint-Louis - Bruxelles) - philippe.desmette(at)usaintlouis.be

Philippe Martin (Université Lyon 2) - philippe.martin(at)univ-lyon2.fr

 

Comité scientifique

Catherine Vincent (Paris Ouest Nanterre La Défense)

Paola Vismara (Università degli studi di Milano)

Christian Sorrel (Lyon 2)

Philippe Martin (Lyon 2)

Silvia Mostaccio (Université catholique de Louvain)

Philippe Desmette (Saint-Louis Bruxelles)  

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