Workshop II : (S') écrire en temps de guerre (Europe, 15e-17e s.)

Argumentaire

Au cours des quarante dernières années, l’historiographie relative à l’étude du fait militaire et de la guerre a connu un très net essor, pour ne pas dire un quasi-renouveau. Conscients des biais et lacunes qu’offrait l’histoire-bataille, les historiens et, de manière générale, les sciences sociales, tâchent dorénavant d’envisager le rapport à la guerre sous un angle où le champ de bataille, les grandes stratégies et les faits d’armes sont relégués à l’arrière-plan. Considérée comme un « fait social total », la guerre est devenue un lieu d’étude et d’observation pour des pratiques plurielles qui peuvent mobiliser tant les catégories de l’histoire politique qu’institutionnelle, sociale, économique, du genre, etc.

 

Le présent projet entend aborder le rapport au « fait militaire » – entendu dans un sens large – à travers l’étude de documents naviguant entre l’écriture de soi et l’écriture de l’histoire. En effet, la période envisagée (15e-17e s.) autorise l’historien à s’interroger sur la guerre comme élément du quotidien, comme réalité à laquelle l’individu – peu importe sa position au niveau social – est confronté. Les anciens Pays-Bas burgondo-habsbourgeois sont, par exemple, un laboratoire fertile compte tenu des nombreux conflits qui s’y sont déroulés, des migrations que ceux-ci ont engendrées, des séparations qu’ils ont provoquées. Loin de se limiter à un spectre local, la guerre et le rapport que l’Homme entretient avec, doivent aussi pour l’époque retenue s’envisager dans une optique transnationale.

 


(S’) écrire en temps de guerre permet également de poser la question du rapport toujours plus prégnant avec l’écrit, de même qu’il autorise d’envisager des approches éclatées : pourquoi écrit-on ? Qui écrit ? Quels types de documents ? Il ne faudrait pas non plus négliger une étude explorant les éventuels topoï littéraires. Afin d’envisager la problématique de la façon la plus large possible, les documents mobilisés dans le cadre de ce projet renverront à une ample typologie : échanges épistolaires, journaux/carnets personnels, chroniques, histoire autobiographique (parcours de vie), lettres de rémission, poèmes/hymnes/chansons, requêtes (petitions), etc.

 

À travers ce panel de sources, renvoyant en partie à des ego-documents, on pourra envisager une étude sous deux angles au moins. D’une part, il s’agira de déceler les ressorts propres à l’expérience individuelle en même temps que leur articulation et/ou enchâssement dans une logique collective, de groupe. Outre le fait que la guerre reste un élément prégnant dans la vie des femmes et des hommes du début des temps modernes, il est aussi évident que l’expression de soi au sens large (prise de parole, écriture, etc.) devient un élément déterminant de la modernité occidentale alors en construction. D’autre part, grâce à cette approche originale du fait militaire, c’est également une autre armée qui pourra être étudiée : serviteurs ou épouses de gens de guerre, aumôniers, marchands, etc. L’analyse pourra dès lors se situer dans un positionnement relevant presque de l’infra-militaire.

 

Puisque le champ de bataille et les conditions matérielles (économiques, sociales) qu’impliquent la guerre ne sont plus étudiés pour eux-mêmes mais s’intègrent dans une analyse qui permet de les retrouver par l’intermédiaire d’un médium (l’écrit), le rapport à la guerre sera ici étudié non unilatéralement dans sa singulière contingence. Il s’agira plutôt d’envisager la manière dont il prend corps à travers une construction discursive matérialisée par l’écrit. Le rapport à l’écrit mêlé à celui du fait guerrier est d’autant plus important qu’en cette fin du moyen âge et ce début des temps modernes, une double réalité ne doit pas être oubliée : 1) l’internationalisation des conflits religieux et politiques favorisant une diffusion de l’information comme rarement on l’avait vue auparavant, 2) l’apparition progressive d’enjeux nouveaux liés à la circulation des biens symboliques dont font partie les types d’écrits examinés par le présent projet et 3) l’augmentation considérable de la taille des conflits et des armées elles-mêmes, engendrant un plus grand impact de la guerre sur la vie quotidienne des populations.

 

Au-delà d’une étude focalisée sur une période couvrant les 15e et 17e siècles, l’approche pourra également être transversale et orientée vers la longue durée. En effet, les études renouvelées autour de la Première Guerre mondiale notamment ont permis aux historiens de sortir des ornières de l’histoire-bataille traditionnelle. À ce titre, on n’hésitera pas à appliquer aux époques médiévales et modernes des concepts d’ordinaire réservés à la période contemporaine (par exemple, la notion de « brutalisation » de G. Mosse).

 

 

Au final, il s’agira de s’interroger de façon non univoque sur les opportunités qu’offrent les multiples types d’écrits produits à la fin du moyen âge et au début des temps modernes. Au-delà d’une « simple » étude de nature historique, le projet entend déceler les rapports à l’écrit et à la guerre à travers leurs continuités et discontinuités : en clair, tenter d’aborder en historiens des questions fondamentales de nature quasi anthropologique.

Programme

09h30 : Introduction

 

10h : Christophe Masson (ULg) - Adouber par l'écrit. Les traités théoriques  d'art militaire en France et en Bourgogne (c. 1330-c.1530)

 

11h : Quentin Verreycken (USL-B, UCL, FNRS) - La lettre de rémission, un ego-document ?  Les pardons accordés aux soldats par les ducs de Bourgogne (1386-1482)

 

12h : Pause de midi

 

13h : Alessandro Metlica (UCL) - Literary Tradition vs. Military Revolution ? Preliminary Hypothesis and Assumptions

 

14h : Monique Weis (ULB) - L'écrivain anglais George Gascoigne et le sac d'Anvers de 1576

 

15h : Pause

 

15h30 : Julien Régibeau (ULg) - Guerrier de Dieu ou mercenaire dangereux et inutile ? Usages de la relation de guerre par l’internonce Bichi comme stratégie de déstabilisation du duc Charles IV de Lorraine (1645-1646).

 

16h : Conclusions par Eric Bousmar (USL-B)

 

16h30 : Fin

Programme (flyer)
Flyer_ecrire_temps_guerre_22042016.pdf
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Informations pratiques

Vendredi 22 avril 2016

P61 

Université Saint-Louis - Bruxelles

43 Bd. du Jardin Botanique, 1000 Bruxelles

 

Inscription souhaitée (gratuite)

 

Contact :

Quentin Verreycken : quentin(point)verreycken(at)usaintlouis(point)be

Nicolas Simon : nicolas(point)simon(at)usaintlouis(point)be

 

Tous les détails relatifs au projet "(S') écrire en temps de guerre (Europe, 15e-17e s.)" se trouvent ici.

 

Centre de recherches en histoire du droit, des institutions et de la société

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